Pauline Jaricot (1799-1862) a été béatifiée à Lyon, le 22 mai 2022. Laïque, elle a donné sa vie au service des pauvres et de la mission de l’Eglise, soutenue par la prière de Marie.
Une femme d'espérance
Une femme qui a su garder l’espérance au coeur, malgré les difficultés, une femme de prière qui, dans la difficulté, a su vivre l’échec sans se décourager, avec courage. Ancrée dans la prière, elle était emplie d’espérance.
Pauline Jaricot (1799-1862), adolescente se laisse séduire par les illusions du monde ; à 17 ans, elle est touchée dans son coeur et se sent appelée à se donner totalement à Dieu.
Elle veut communiquer l’amour du Christ qui la brûle, à ceux qui ne le connaissent pas encore, autour d’elle et dans le monde, ou réveiller ceux qui vivent loin de Lui.
Contemplative mais aussi femme d’action, elle met en place en 1819, à 20 ans, les fondements de l’oeuvre de la Propagation de la Foi pour soutenir les missions, oeuvre qui sera officialisée en 1822.
En 1826, à 27 ans, Pauline Jaricot fonde le Rosaire Vivant, oeuvre destinée à raviver la dévotion mariale par la récitation du chapelet.
Interpellée par les conditions misérables de travail et de vie des ouvriers en soierie, elle s’engage à leurs côtés lors des insurrections des canuts en 1831 et 1834.
Cette prise de conscience l’amène à vouloir créer une usine modèle à Rustrel en 1845,avec le souci du respect de la dignité humaine. Ses objectifs demeurent l’évangélisation du monde ouvrier et la lutte contre les injustices sociales.
La guérison miraculeuse d’une petite fille, reconnue en mai 2020 par le pape François, a permis l’instruction de sa cause en béatification.
À l’occasion de sa béatification par l’Église, le cœur de Pauline Jaricot a été expertisé. Les scientifiques qui expertisèrent son cœur ont constaté qu’il était dans un état exceptionnel de conservation depuis 1862.
Une expertise de biologie moléculaire a été effectuée sans parvenir à lever le mystère.
Pauline a consacré sa vie à la mission, au service des pauvres et à la prière. Pour soutenir l’avancée de l’Evangile et afin que tous les fidèles puissent participer activement à la mission « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8) elle créa l’Œuvre pour la Propagation de la Foi. Puis elle comprend que l’« Église ne peut vivre sans le poumon de la prière » (Evangelii gaudium, n. 262).
Elle fonde alors le Rosaire Vivant pour soutenir spirituellement la mission de l’Église. Puisse notre charité se faire aussi inventive et efficace que la sienne, apprenons à offrir généreusement ce que nous sommes, nos talents à Dieu, et à nos frères, en particulier les plus pauvres, à donner de nos moyens pour soutenir la mission qui nous incombe à tous en Église de porter l’Evangile au monde : « Où nous envoie Jésus ? Il n’y a pas de frontières, il n’y a pas de limites : il nous envoie à tous. L’Evangile est pour tous » (Christus vivit, n. 177).
Que sa vie de prière soit pour nous un rappel constant que nous devons chercher la sainteté. En effet, « à travers la sainteté […] l’Église peut relancer son ardeur spirituelle et sa vigueur apostolique. Le baume de la sainteté engendrée par la bonté […] peut soigner les blessures de l’Église et du monde, en nous ramenant à la plénitude de l’amour à laquelle nous sommes appelés depuis toujours » (Christus vivit, n. 50).
Du Latran, le 21 mars 2022
François
Sixième dimanche de Pâques – Béatification de Pauline Jaricot
Actes 15,1-2.22-29 ; Apocalypse 21,10-14.22-23 ; Jean 14,22-29
Nous rendons grâce à Dieu qui nous a rassemblés dans le nom de Jésus ressuscité et dans l’amour de l’Esprit Saint. Nous le remercions aussi pour le don de la bienheureuse Pauline Jaricot à l’Eglise et à l’humanité. Nous reconnaissons le don de l’Église de Lyon à la mission de l’Église universelle et à la transformation de la société par l’Évangile. Permettez-moi de vous proposer quelques réflexions basées sur les passages de l’Écriture que nous venons d’entendre.
Commençons par une question. Comment puis-je savoir que quelqu’un m’aime ? Comment puis-je savoir que j’aime quelqu’un ? On pourrait répondre en disant : “C’est quand nous conservons les cadeaux que nous avons reçus de ceux que nous aimons ; ou quand nous avons des photos d’eux que nous gardons toujours avec nous ; ou quand nous gardons des lettres, des SMS, des e-mails que nous relisons encore et toujours, ranimant des sentiments qui ne passent jamais.” Notre expérience humaine de l’amour confirme les paroles de Jésus dans l’Evangile : “Celui qui m’aime gardera ma parole”. Garder sa parole, le don de sa parole. Aimons-nous suffisamment Jésus pour chérir sa parole, qui est la parole du Père qui l’a envoyé ? Garder la parole de Jésus implique de l’écouter, d’apprendre de lui, de contempler et de prier avec sa parole, comme sa sainte Mère l’a fait. Mais cela ne devrait pas être une forme de sentimentalisme ; et cela ne signifie pas non plus enfermer la parole de Jésus dans un coffre. Jésus dit : “Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.” Le commandement de Jésus, c’est de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. La fidélité à la parole de Jésus implique de vivre par sa parole, d’agir en fonction de sa parole et de faire de sa parole d’amour la règle de nos vies. Mais nous ne devrions pas oublier que Jésus n’est pas simplement le messager de la parole de Dieu : il est lui-même le Verbe de Dieu devenu humain. Aimer Jésus, cela veut dire lui permettre de demeurer activement en nous, de sorte que nous puissions dire avec saint Paul : “Christ vit en moi ; ma vie dans la chair, je la vis par la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi” (Galates 2,20). Aimer Jésus, c’est répondre avec reconnaissance à celui qui nous a aimés le premier. Aimer Jésus, c’est le laisser, lui qui est la Parole de Dieu, vivre, agir et aimer en moi et à travers moi. Nous voyons en Pauline Jaricot un témoignage vivant de la puissance de l’amour pour Jésus, un amour qui devient une identification à Jésus. Cela nous conduit à mon second point.
Aimer Jésus en étant fidèles à sa parole est un don de Dieu dans l’Esprit Saint. Jésus dit : “le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père va envoyer en mon nom – il vous enseignera toute chose et vous fera vous souvenir de tout ce que je vous ai dit.” Nous sommes de faibles êtres humains. Quand nous ne comprenons pas complètement quelque chose, nous l’ignorons, et finissons par l’enterrer. Nous n’avons pas très bonne mémoire ou peut-être que nous choisissons ce dont nous nous souvenons. Si ce qui est enseigné paraît simple ou avantageux pour moi, je l’écoute. Si cela demande de renoncer à soi-même ou de se sacrifier, je l’oublie. Nous devons admettre qu’aimer Jésus en gardant sa parole n’est pas possible à travers les seuls efforts humains. Dieu sait que nous ne pouvons pas le faire par nous-mêmes ; c’est pourquoi Dieu envoie l’Esprit Saint pour nous enseigner constamment et nous rappeler la parole de Jésus. Aimer Jésus implique d’être ouvert aux impulsions et aux surprises de l’Esprit Saint. Dans la première lecture, les Apôtres ont écouté l’Esprit Saint qui les a aidés à comprendre la parole de Jésus d’une manière nouvelle, ouvrant par là leur mission aux personnes d’origine païenne. L’Esprit Saint nous conduit à aller vers toutes les nations et tous les peuples, dans une mission d’amour. L’Esprit Saint fait en sorte que nous ne gardions pas la parole de Jésus comme un objet du passé, comme dans un musée. Au lieu de cela, l’Esprit Saint ouvre de nouveaux chemins, pour que la parole et l’amour de Jésus puissent atteindre davantage de gens. Nous sommes émerveillés de voir à quel point Pauline Jaricot a été docile à l’Esprit Saint qui l’a poussée avec de nouvelles idées et initiatives pour la diffusion de l’évangile et le service des pauvres. Elle a suivi en cela une grande tradition spirituelle, missionnaire et sociale de l’Eglise de Lyon.
Certains pourraient dire que recevoir le don de la parole de Jésus et le don de l’Esprit Saint implique de lourdes responsabilités, ainsi que le rejet et les persécutions. C’est ce que confirme l’expérience des apôtres, des saints et des martyrs. Mais nous sommes aussi consolés par un autre don de Jésus : la paix. Il dit : “Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas à la manière du monde.” Si nous aimons Jésus, nous allons garder sa paix, pas la paix du monde ou des pouvoirs qui s’opposent à Dieu. Voici quelques exemples de la manière dont le monde donne la paix : quand la recherche de l’intérêt égoïste détermine les décisions et les actions ; quand un groupe domine les autres ; quand les ressources sont gaspillées et utilisées pour des styles de vie extravagants ; quand des personnes humaines sont éliminées parce qu’il n’est pas commode de vivre avec elles ; quand des murs empêchent des personnes différentes de nous de se rapprocher de nous ; quand il y a de l’argent en abondance pour produire des armes mais pas assez pour donner accès à l’eau, à la nourriture, à un foyer, à une éducation, à des médicaments et à des emplois. Le monde emploie ces stratégies pour la paix qui est la sienne. Les disciples de Jésus, de leur côté, comment expérimentent-ils le don de sa paix, la plénitude des bénédictions de Dieu ? Voyons quelques exemples. Saint Pierre et les autres disciples se sont réjouis d’avoir été trouvés dignes de souffrir la persécution dans le nom de Jésus (Actes 5,41). Cela, c’est la paix de Jésus. Saint Paul dit que Jésus est notre paix, lui qui a brisé le mur de la haine entre les peuples (Ephésiens 2,14). C’est la paix en Jésus. Saint Paul a accepté la perte de toutes choses afin de gagner le Christ (Philippiens 3,8). C’est la paix de Jésus. Servir Jésus dans l’affamé, l’assoiffé, l’étranger, dans celui qui est nu, malade, prisonnier, conduit à une béatitude éternelle. C’est la paix de Jésus. Seule la paix de Jésus renouvellera l’humanité et la terre. La paix du Christ a donné à Pauline Jaricot la sérénité, la patience et le courage d’affronter les difficultés physiques, les calomnies et les humiliations. C’est la paix de Jésus.
Nous avons médité sur trois dons : le don de la parole de Jésus, le don de l’Esprit Saint et le don de la paix de Jésus. Quiconque reçoit ces dons avec joie devient un amoureux de Jésus, un missionnaire de l’Eglise, un frère ou une sœur du pauvre et un instrument de fraternité universelle et de paix. La bienheureuse Pauline Jaricot est devenue tout cela, parce qu’elle a accueilli les dons de Dieu. A présent, c’est notre tour.
Cardinal Luis Antonio Tagle
Préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples