Les célèbres écrits spirituels (éditions 1924) en version écrites et audio
La voie royale qui conduit au triomphe - Charles de Foucauld
Non, je ne suis pas attristé des persécutions religieuses, mais je demande à Dieu, pour les autres et pour moi, le courage et les vertus, de manière à les supporter avec le profit que Jésus veut que nous en tirions, car II ne les permet, Lui tout puissant et qui nous aime tant, que pour le bien des âmes…
« bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice ! »
Comment nous attrister quand Jésus nous appelle « bienheureux » ? Ne sait-Il pas mieux que nous ce qui nous est bon ? Jésus qui nous aime permet cela, comme II a permis Sa propre mort et les persécutions qui L’ont poursuivi de la crèche à la croix, comme II a permis le martyre de Ses apôtres et d’une infinité de saints, comme II permet toutes les épreuves des Justes, non pour la mort, mais pour que Dieu en soit glorifié et que les âmes s’épurent par la souffrance, aient l’occasion de pratiquer les grandes vertus, et entrent dans le royaume céleste par la voie royale de la Croix, qui, depuis Jésus, est la seule qui conduise au triomphe…
Prions donc, demandons humblement la force, la vertu, l’amour, l’amour surtout qui contient tout et enseigne tout, et, loin de nous attrister, réjouissons-nous. Jésus nous l’ordonne : « Quand on vous calomniera et qu’on vous persécutera, quand on vous chassera à cause de Moi, alors, réjouissez-vous, votre récompense est grande dans les cieux »… Elle est grande même ici-bas, car cette seule conformité avec Jésus persécuté et souffrant est joie profonde, dont on jouit, dans la mesure de l’amour qu’on a pour Jésus. L’amour a besoin d’imitation.
A la veille du centième anniversaire de la mort de Charles de Foucauld, un jeune charpentier de 21 ans monte sur le toit de la chapelle de l’institution Saint-Louis de Saumur, le 30 novembre 2016 pour le restaurer.
Soudain la voute cède sous ses pas.
Ce charpentier est baptisé, mais pas pratiquant. Il fait une chute de 15 mètres de haut et se fracasse sur un banc d’église. Le montant du dossier du banc a percé l’abdomen et traversé la cage thoracique sous le cœur. L’artisan se relève, marche 50 mètres en sortant de la chapelle et croise le personnel de l’établissement qui appelle immédiatement les secours. Le SAMU juge qu’il faut un hélicoptère pour le transporter au plus vite, mais las, pas moyen de monter le blessé à bord parce que la pièce de bois, restée coincée dans son abdomen, gêne la largeur de la porte…
Finalement, une ambulance l’emmène au CHU d’Angers où il est opéré. Huit jours après, il commence à se lever et à s’ennuyer dans sa chambre ; deux mois plus tard, il retourne au travail. Aucun organe vital n’a été touché.
« Au moment de l’accident, témoigne son employeur, qui est catholique, toute la paroisse s’est mise à prier pour lui. Une communauté religieuse a même conseillé d’invoquer Charles de Foucauld, puisque c’était le 100e anniversaire de sa mort. » Le directeur de la menuiserie se rend à l’hôpital au chevet de son apprenti. Ce dernier lui raconte : « J’ai voulu aller plus vite, je suis montée sur la voûte et je l’ai sentie céder. Je connaissais la hauteur, je me suis dit que j’étais cuit. Je ne voulais pas tomber sur les jambes.
Je ne voulais pas tomber sur la tête. Je me suis allongé, j’ai mis ma tête entre mes mains et je me suis abandonné. » Une parole qui n’est pas sans rappeler cette prière du père Charles de Foucauld : « Seigneur entre tes mains je remets mon esprit, je m’abandonne à toi. » L’employeur poursuit : « Il faut savoir que notre paroisse de Saumur s’appelle Charles-de-Foucauld, que plusieurs fois, les paroissiens sont partis en pèlerinage sur les pas du bienheureux. Et cette semaine-là, il y avait une neuvaine portée par la paroisse pour prier pour la canonisation de Charles de Foucauld. » Le jeune charpentier s’appelle Charle (sans « s »).
« Je n’ai pas la foi mais j’ai eu trop de chance pour que ce ne soit pas un miracle », reconnaît-il. Aussi, très simplement, il accepte d’ouvrir son dossier médical à l’enquête menée par l’Église,« si ça peut l’aider à devenir saint, alors pourquoi pas ? » S’ensuit un procès réglementé par le droit canon, les témoins sont auditionnés et le dossier est envoyé à Rome à la Consulta Medica. Il s’agit de sept médecins devant émettre un avis. Sans unanimité, la procédure s’arrête net. En parallèle et sans se consulter, ces sept médecins ont conclu que le résultat n’était absolument pas celui qui aurait dû être, compte tenu de la chute qu’a subie Charle. A minima, il aurait dû avoir des séquelles irréversibles, or, il n’en a pas, et la plus grande probabilité, c’était la mort. À partir du moment où, médicalement, ils ne peuvent pas l’expliquer, c’est un miracle.
Ce miracle reconnu par l’Église permettra à Charles de Foucauld d’être canonisé. Un saint pour notre époque tant marquée par les conflits multiculturalistes. L’ancien libertin converti et devenu ermite disait de ses amis musulmans : « Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D’une manière générale, non. […] d’une façon générale, sauf exception, tant qu’ils seront musulmans, ils ne seront pas français, ils attendront plus ou moins patiemment le jour du Mehdi, en lequel ils soumettront la France. » S’étant installé parmi eux, il apprenait le lexique touareg, recevait les pauvres et passait des heures au pied du tabernacle à prier pour leur conversion…
« …Comme c’est bon, n’est-ce pas, de s’abandonner au Cœur de Jésus, de se laisser faire par Lui, de bien penser que tout ce qui arrive, excepté le péché, arrive par Sa volonté, que même le péché est « permis » par Lui, et que de tout, absolument de tout, même des fautes, on peut et on doit tirer le plus grand bien… ! Comme c’est doux de nous sentir dans de telles mains, et appuyé sur un tel Cœur ! Avons-nous en Jésus un Père, un Frère, un Époux assez tendre, assez sage, assez puissant ? Que nous sommes heureux, nous, pauvres petites créatures !
Que le Bon Dieu est bon pour nous ! Misericordias Domini in aeternum cantabo : on voudrait ne dire que ces mots-là pendant toute la vie comme on ne dira qu’eux, comme on ne vivra que d’eux pendant l’éternité… Fondons-nous en reconnaissance, en joie, en bénédictions, en regardant les bontés de Dieu pour tous les hommes, Son amour inouï pour chacun de nous ; contemplons-Le et disons-nous que nous sommes un de ces petits êtres qu’il a tant aimés, pour lesquels Il a vécu et Il est mort : Il a donné tout Son sang pour chacun de nous ! Quel amour ! Quel bonheur d’être ainsi aimé ! Et d’être aimé par qui ? Par l’Être infiniment parfait, par la Beauté infinie et souveraine… Qui sommes-nous, pour être tant chéris, et chéris par Dieu ?… Qu’il fait bon causer de cela, et vivre, pendant quelques minutes, ensemble, de la vie du Ciel, en attendant que, par la grande miséricorde de Dieu, nous la partagions ensemble pour l’éternité !… »
Ne vous étonnez pas des tempêtes présentes. La barque de Pierre en a vu bien d’autres. Songez à cette soirée du jour où furent martyrisés saint Pierre et saint Paul. Comme tout devait paraître avoir sombré, pour la petite chrétienté de Rome ! Les premiers chrétiens ne se découragèrent pas. Nous qui avons, pour fortifier notre foi, les dix-huit siècles de vie de l’Église, combien petits doivent nous paraître ces efforts de l’enfer dont Jésus a dit qu’ils « ne prévaudront pas ».
Ni les juifs ni les francs-maçons ne peuvent empêcher les disciples de Jésus de continuer l’œuvre des apôtres : qu’ils aient leurs vertus, ils auront leurs succès. A nous comme à eux, Jésus dit, en nous bénissant : « Allez, prêchez l’Évangile à toute créature ». Nous aussi, « nous pouvons tout en Celui qui nous fortifie » : « Il a vaincu le monde ». Comme Lui, nous aurons toujours la croix ; comme Lui nous serons toujours persécutés ; comme Lui nous serons toujours vaincus en apparence ; comme Lui nous serons toujours triomphants en réalité, et cela dans la mesure de notre fidélité à la grâce, dans la mesure où nous Le laisserons vivre en nous et agir en nous et par nous.
Nous sommes avec le Tout-Puissant, et les ennemis n’ont de pouvoir que celui qu’il Lui plaît de leur donner pour nous exercer, nous sanctifier, faire remporter des victoires spirituelles — les seules vraies, les seules éternelles, — à son Église et à ses élus.
… Mais revenons à l’Évangile ; si nous ne vivons pas de l’Évangile, Jésus ne vit pas en nous. Revenons à la pauvreté, à la simplicité chrétienne… Après dix-neuf ans passés hors de France, ce qui m’a le plus frappé en ces quelques jours passés en France, c’est le progrès qu’a fait, dans toutes les classes de la Société, surtout dans la classe moins riche, même dans les familles très chrétiennes, le goût et l’habitude des inutilités coûteuses ; avec une grande légèreté et des habitudes de distractions mondaines et frivoles bien déplacées en des temps aussi graves, en des temps de persécution, et nullement d’accord avec une vie chrétienne.
Le danger est en nous et non dans nos ennemis. Nos ennemis ne peuvent que nous faire remporter des victoires. Le mal, nous ne pouvons le recevoir que de nous-mêmes. Revenir à l’Évangile, c’est le remède.
La lettre ci-dessous a été écrite par le Père de Foucauld en 1907. Plus de 100 ans avant, une telle clairvoyance tient du surnaturel !
Lettre du Père de Foucauld adressée à René Bazin, de l’Académie française, président de la Corporation des publicistes chrétiens, parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917 :
« Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l’Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie : une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruite à la française, sans avoir l’esprit ni le coeur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l’étiquette pour pouvoir par elle influencer les masses ; d’autre part, la masse des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée de nous, fermement mahométane, portée à la haine et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts, par les contacts qu’elle a avec les Français (représentants de l’autorité, colons, commerçants), contacts qui trop souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d’elle. Le sentiment national ou barbaresque s’exaltera dans l’élite instruite : quand elle en trouvera l’occasion, par exemple lors de difficultés de la France au dedans ou au dehors, elle se servira de l’islam comme d’un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à créer un empire africain musulman indépendant.
L’empire Nord-Ouest-Africain de la France, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française, etc., a 30 millions d’habitants ; il en aura, grâce à la paix, le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrès matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé d’habitants rompus au maniement de nos armes, dont l’élite aura reçu l’instruction dans nos écoles. Si nous n’avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu’ils deviennent Français est qu’ils deviennent chrétiens.
Il ne s’agit pas de les convertir en un jour ni par force mais tendrement, discrètement, par persuasion, bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à une prise de contact étroite et affectueuse, oeuvre surtout de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux que les prêtres et prendre un contact plus intime.
Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D’une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s’y opposent ; avec certains il y a des accommodements ; avec l’un, celui du medhi, il n’y en a pas : tout musulman, (je ne parle pas des libre-penseurs qui ont perdu la foi), croit qu’à l’approche du jugement dernier le medhi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l’islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non musulmans.
Dans cette foi, le musulman regarde l’islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants; s’il est soumis à une nation non musulmane, c’est une épreuve passagère ; sa foi l’assure qu’il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la sagesse l’engage à subir avec calme son épreuve; « l’oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes et se casse les ailes ; s’il se tient tranquille, il se trouve intact le jour de la libération », disent-ils ; ils peuvent préférer telle nation à une autre, aimer mieux être soumis aux Français qu’aux Allemands, parce qu’ils savent les premiers plus doux ; ils peuvent être attachés à tel ou tel Français, comme on est attaché à un ami étranger; ils peuvent se battre avec un grand courage pour la France, par sentiment d’honneur, caractère guerrier, esprit de corps, fidélité à la parole, comme les militaires de fortune des XVIe et XVIIe siècles mais, d’une façon générale, sauf exception, tant qu’ils seront musulmans, ils ne seront pas Français, ils attendront plus ou moins patiemment le jour du medhi, en lequel ils soumettront la France.
De là vient que nos Algériens musulmans sont si peu empressés à demander la nationalité française: comment demander à faire partie d’un peuple étranger qu’on sait devoir être infailliblement vaincu et subjugué par le peuple auquel on appartient soi-même? Ce changement de nationalité implique vraiment une sorte d’apostasie, un renoncement à la foi du medhi… »
Charles de FOUCAULD
« Que vous êtes bon, mon Dieu, et comme vous vous appliquez à relever les pécheurs, à crier « Espérance » aux coupables. Comme vous vous montrez, dès les premières lignes de l’Evangile, le Bon Pasteur, le Père de l’enfant prodigue, le divin médecin venu pour les malades.
Il semble que vous preniez à tâche dès les premières lignes de l’Evangile de nous répéter : « Je ne veux pas la mort du pécheur mais qu’il se repente et qu’il vive » (Ez 18,23). O Dieu, Père des miséricordes, vous voulez nous dire qu’il y a espérance et grâce même pour les coupables, même pour les plus déchus, les plus souillés. Ceux qui aux yeux des hommes sont irrémédiablement avilis et tombés sont encore nobles et beaux à vos yeux. Qu’ils se repentent, qu’ils disent comme David : « J’ai péché » (2S 12,13). Vous ouvrez si largement pour ces âmes, que le monde croyait si perdues et que vous avez si pleinement retrouvées, relevées, purifiées, embellies, vous leur ouvrez si largement le trésor de vos faveurs qu’aucune grâce ne leur est refusée, qu’aucune grandeur ne leur est inaccessible.
Quelque bas que nous tombions, ne désespérons jamais. La bonté de Dieu est au-dessus de tout mal possible. « Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, je vous rendrais plus blanc que la neige » (Is 1,18). Il n’est pas un moment dans notre vie où nous ne puissions pas commencer une existence nouvelle,… séparée comme par un mur de nos infidélités passées. »
Bienheureux Charles de Foucauld (1858-1916)
Charles Eugène de Foucauld de Pontbriand (15 septembre 1858 – 1er décembre 1916) est un militaire français devenu explorateur et géographe, puis religieux catholique et linguiste. Orphelin à l’âge de six ans, Charles de Foucauld fait carrière dans l’armée, intégrant Saint-Cyr et menant une vie dissolue. À vingt-trois ans, il décide de démissionner de l’armée afin d’explorer le Maroc en se faisant passer pour un Juif. La qualité de ses travaux lui vaut la médaille d’or de la Société de géographie, et une grande renommée suite à la publication de son livre Reconnaissance au Maroc (1888).
De retour en France et après diverses rencontres, il se « convertit » et devient religieux chez les Trappistes le 16 janvier 1890, en France puis en Syrie. Sa quête d’un idéal encore plus radical de pauvreté, d’abnégation et de pénitence le pousse à quitter la trappe afin de devenir ermite en 1901. Il vit alors en Palestine, écrivant ses méditations qui seront le cœur de sa spiritualité, comprenant la Prière d’abandon. Ordonné prêtre à Viviers[1], il décide de s’installer dans le Sahara, à Béni-Abbés.
Il ambitionne de fonder une nouvelle congrégation, mais personne ne le rejoint. Il vit avec les Berbères et développe un nouveau style d’apostolat, voulant prêcher non pas par les discours, mais par son exemple. Afin de mieux connaître les Touaregs, il étudie pendant plus de douze ans leur culture, publiant sous un pseudonyme le premier dictionnaire touareg-français.
Les travaux de Charles de Foucauld sont une référence pour la connaissance de la culture touarègue. Le 1er décembre 1916, Charles de Foucauld est assassiné à la porte de son ermitage. Il est très vite considéré comme un saint et une véritable dévotion s’instaure, appuyée par le succès de la biographie de René Bazin (1921) qui devient un best-seller.
De nouvelles congrégations religieuses, familles spirituelles et un renouveau de l’érémitisme s’inspirent des écrits et de la vie de Charles de Foucauld. Son procès en béatification commence dès 1927. Interrompu durant la guerre d’Algérie, il reprend ultérieurement et Foucauld est déclaré vénérable le 24 avril 2001 par Jean-Paul II, puis bienheureux le 13 novembre 2005 par Benoît XVI.
Cette lettre, adressée par le Père Charles de Foucauld à René Bazin, de l’Académie française, est parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917.
Elle a été publiée sur le site de la Fondation de service politique, à l’occasion de la béatification du Père de Foucauld par le pape Benoît XVI, le 13 novembre 2005, à Rome.
JESUS CARITAS,
Tamanrasset, par Insalah, via Biskra, Algérie, 29 juillet 1916.
Monsieur,
Je vous remercie infiniment d’avoir bien voulu répondre à ma lettre, au milieu de tant de travaux, et si fraternellement. Je pourrais, m’écrivez-vous, vous dire utilement la vie du missionnaire parmi les populations musulmanes, mon sentiment sur ce qu’on peut attendre d’une politique qui ne cherche pas à convertir les musulmans par l’exemple et par l’éducation et qui par conséquent maintient le mahométisme, enfin des conversations avec des personnages du désert sur les affaires d’Europe et sur la guerre.
Vie du missionnaire parmi les populations musulmanes
(…) Les missionnaires isolés comme moi sont fort rares. Leur rôle est de préparer la voie, en sorte que les missions qui les remplaceront trouvent une population amie et confiante, des âmes quelque peu préparées au christianisme, et, si faire se peut, quelques chrétiens. (…) Il faut nous faire accepter des musulmans, devenir pour eux l’ami sûr, à qui on va quand on est dans le doute ou la peine, sur l’affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument. Ce n’est que quand on est arrivé là qu’on peut arriver à faire du bien à leurs âmes. Inspirer une confiance absolue en notre véracité, en la droiture de notre caractère, et en notre instruction supérieure, donner une idée de notre religion par notre bonté et nos vertus, être en relations affectueuses avec autant d’âmes qu’on le peut, musulmanes ou chrétiennes, indigènes ou françaises, c’est notre premier devoir : ce n’est qu’après l’avoir bien rempli, assez longtemps, qu’on peut faire du bien. Ma vie consiste donc à être le plus possible en relation avec ce qui m’entoure et à rendre tous les services que je peux. À mesure que l’intimité s’établit, je parle, toujours ou presque toujours en tête à tête, du bon Dieu, brièvement, donnant à chacun ce qu’il peut porter, fuite du péché, acte d’amour parfait, acte de contrition parfaite, les deux grands commandements de l’amour de Dieu et du prochain, examen de conscience, méditation des fins dernières, à la vue de la créature penser à Dieu, etc., donnant à chacun selon ses forces et avançant lentement, prudemment. Il y a fort peu de missionnaires isolés faisant cet office de défricheur ; je voudrais qu’il y en eût beaucoup : tout curé d’Algérie, de Tunisie ou du Maroc, tout aumônier militaire, …
Cette lettre, adressée par le Père Charles de Foucauld à René Bazin, de l’Académie française, est parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917.
Elle a été publiée sur le site de la Fondation de service politique, à l’occasion de la béatification du Père de Foucauld par le pape Benoît XVI, le 13 novembre 2005, à Rome.
JESUS CARITAS,
Tamanrasset, par Insalah, via Biskra, Algérie, 29 juillet 1916.
Monsieur,
Je vous remercie infiniment d’avoir bien voulu répondre à ma lettre, au milieu de tant de travaux, et si fraternellement. Je pourrais, m’écrivez-vous, vous dire utilement la vie du missionnaire parmi les populations musulmanes, mon sentiment sur ce qu’on peut attendre d’une politique qui ne cherche pas à convertir les musulmans par l’exemple et par l’éducation et qui par conséquent maintient le mahométisme, enfin des conversations avec des personnages du désert sur les affaires d’Europe et sur la guerre.
Vie du missionnaire parmi les populations musulmanes
(…) Les missionnaires isolés comme moi sont fort rares. Leur rôle est de préparer la voie, en sorte que les missions qui les remplaceront trouvent une population amie et confiante, des âmes quelque peu préparées au christianisme, et, si faire se peut, quelques chrétiens. (…) Il faut nous faire accepter des musulmans, devenir pour eux l’ami sûr, à qui on va quand on est dans le doute ou la peine, sur l’affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument. Ce n’est que quand on est arrivé là qu’on peut arriver à faire du bien à leurs âmes. Inspirer une confiance absolue en notre véracité, en la droiture de notre caractère, et en notre instruction supérieure, donner une idée de notre religion par notre bonté et nos vertus, être en relations affectueuses avec autant d’âmes qu’on le peut, musulmanes ou chrétiennes, indigènes ou françaises, c’est notre premier devoir : ce n’est qu’après l’avoir bien rempli, assez longtemps, qu’on peut faire du bien. Ma vie consiste donc à être le plus possible en relation avec ce qui m’entoure et à rendre tous les services que je peux. À mesure que l’intimité s’établit, je parle, toujours ou presque toujours en tête à tête, du bon Dieu, brièvement, donnant à chacun ce qu’il peut porter, fuite du péché, acte d’amour parfait, acte de contrition parfaite, les deux grands commandements de l’amour de Dieu et du prochain, examen de conscience, méditation des fins dernières, à la vue de la créature penser à Dieu, etc., donnant à chacun selon ses forces et avançant lentement, prudemment. Il y a fort peu de missionnaires isolés faisant cet office de défricheur ; je voudrais qu’il y en eût beaucoup : tout curé d’Algérie, de Tunisie ou du Maroc, tout aumônier militaire, …
Cette lettre, adressée par le Père Charles de Foucauld à René Bazin, de l’Académie française, est parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917.
Elle a été publiée sur le site de la Fondation de service politique, à l’occasion de la béatification du Père de Foucauld par le pape Benoît XVI, le 13 novembre 2005, à Rome.
JESUS CARITAS,
Tamanrasset, par Insalah, via Biskra, Algérie, 29 juillet 1916.
Monsieur,
Je vous remercie infiniment d’avoir bien voulu répondre à ma lettre, au milieu de tant de travaux, et si fraternellement. Je pourrais, m’écrivez-vous, vous dire utilement la vie du missionnaire parmi les populations musulmanes, mon sentiment sur ce qu’on peut attendre d’une politique qui ne cherche pas à convertir les musulmans par l’exemple et par l’éducation et qui par conséquent maintient le mahométisme, enfin des conversations avec des personnages du désert sur les affaires d’Europe et sur la guerre.
Vie du missionnaire parmi les populations musulmanes
(…) Les missionnaires isolés comme moi sont fort rares. Leur rôle est de préparer la voie, en sorte que les missions qui les remplaceront trouvent une population amie et confiante, des âmes quelque peu préparées au christianisme, et, si faire se peut, quelques chrétiens. (…) Il faut nous faire accepter des musulmans, devenir pour eux l’ami sûr, à qui on va quand on est dans le doute ou la peine, sur l’affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument. Ce n’est que quand on est arrivé là qu’on peut arriver à faire du bien à leurs âmes. Inspirer une confiance absolue en notre véracité, en la droiture de notre caractère, et en notre instruction supérieure, donner une idée de notre religion par notre bonté et nos vertus, être en relations affectueuses avec autant d’âmes qu’on le peut, musulmanes ou chrétiennes, indigènes ou françaises, c’est notre premier devoir : ce n’est qu’après l’avoir bien rempli, assez longtemps, qu’on peut faire du bien. Ma vie consiste donc à être le plus possible en relation avec ce qui m’entoure et à rendre tous les services que je peux. À mesure que l’intimité s’établit, je parle, toujours ou presque toujours en tête à tête, du bon Dieu, brièvement, donnant à chacun ce qu’il peut porter, fuite du péché, acte d’amour parfait, acte de contrition parfaite, les deux grands commandements de l’amour de Dieu et du prochain, examen de conscience, méditation des fins dernières, à la vue de la créature penser à Dieu, etc., donnant à chacun selon ses forces et avançant lentement, prudemment. Il y a fort peu de missionnaires isolés faisant cet office de défricheur ; je voudrais qu’il y en eût beaucoup : tout curé d’Algérie, de Tunisie ou du Maroc, tout aumônier militaire, …