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Interview de M. Jean-Frédéric Poisson sur la Convention citoyenne de la fin de vie.

Chrétiens Magazine n°353 – novembre 2022

M. Jean-Frédéric Poisson est président du parti politique conservateur VIA | la voie du peuple, et  également ancien Vice-Président de la Commission des lois à l’Assemblée Nationale. M. Jean-Frédéric Poisson répond aux questions de Chrétiens Magazine.

« Le Président de la République a décidé de lancer le débat sur la fin de vie dans notre pays. À cette fin, sera constituée dès octobre prochain une convention citoyenne dont les conclusions seront rendues en mars 2023. »

Conformément aux engagements pris, le Président de la République a décidé de lancer ce débat dans notre pays.

A cette fin, sera constituée dès octobre prochain une convention citoyenne dont les conclusions seront rendues en mars 2023. Elle sera organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dont c’est désormais la vocation. Elle se nourrira d’autres travaux et concertations menés parallèlement avec l’ensemble des parties prenantes en particulier avec les professionnels qui sont régulièrement confrontés à la fin de vie, dans leur pratique et leur quotidien, comme les équipes des soins palliatifs.

Ainsi dans le même temps, des débats seront organisés dans les territoires par les espaces éthiques régionaux afin d’aller vers tous les citoyens et de leur permettre de s’informer et de mesurer les enjeux qui s’attachent à la fin de vie.

Enfin, le Gouvernement engagera aussi parallèlement un travail concerté et transpartisan aves les députés et sénateurs.

L’ensemble de ces travaux permettra d’envisager le cas échéant les précisions et évolutions de notre cadre légal d’ici à la fin de l’année 2023.

Euthanasie - Un long processus de passage en force entamé sous François Hollande

  • CM : Le 13 septembre 2022, M. Macron a annoncé le lancement d’une convention citoyenne sur la fin de vie en France. Vous êtes président de VIA | la voie du peuple, un parti politique conservateur très attaché la dignité de la personne humaine. Que vous inspire cette convention ?

 

JFP – Cela m’inspire une première considération : il ne suffit pas d’accoler le terme de « citoyen » à une convention pour qu’elle reflète l’opinion du peuple. La vérité, c’est que l’issue de cette consultation reflétera l’opinion d’Emmanuel Macron et de ses alliés idéologiques.

L’opinion du peuple ne les intéresse pas. Ce dont ils ont besoin, c’est de court-circuiter l’Assemblée nationale en prétendant avoir le soutien des Français afin de mieux faire passer leurs projets de loi. Rappelez-vous d’ailleurs : il n’y a eu aucune suite aux cahiers de doléances voulus par M. Macron lors de la consultation citoyenne suite à la révolte des Gilets jaunes. Les états généraux de la bioéthique en 2018 n’avaient rien donné non plus. Pourquoi les résultats de cette nouvelle consultation seraient-ils différents ?

Fort de ces deux échecs précédents, je pense qu’il ne sortira rien de cette convention si ce n’est un affaiblissement des digues érigées par la loi française pour protéger la dignité de la personne humaine.

Enfin, il faut rappeler que ce projet est l’aboutissement d’un long processus de passage en force entamé sous François Hollande et qui se matérialise actuellement sous la pression de lobbies hauts placés, avec le soutien actif du chef de l’État.

Euthanasie - Ces progressistes sont déterminés à dominer intégralement la nature humaine

  • CM : Qui sont ces lobbyistes et qui portent cet engagement ?

 

JFP – Il existe de nombreux groupes de pression pilotés par des idéologues convaincus que toute innovation moderne est un bien en soi. À titre d’exemple, l’Association pour le Droit de Mourir dans la dignité (ADMD), en France, rassemble des dizaines de personnalités politiques, de journalistes, de médecins ou d’artistes et plus de 75.000 adhérents.

C’est d’ailleurs au nom de cette association que Line Renaud a écrit une lettre ouverte dans le Journal du Dimanche pour appeler à légaliser l’euthanasie en prenant exemple en particulier sur la Suisse et la Belgique. L’association suisse Dignitas, avait également déposé une requête devant le Conseil d’État français en septembre 2021 pour permettre la prescription de certains médicaments de mort, comme le Pentobarbital, aux personnes qui souhaitent mourir. Cette association prétendait que « le droit à vivre dans la dignité implique nécessairement celui de mourir dans la dignité », sous-entendant qu’il est indigne de vivre avec les ravages de l’âge ou de la maladie.

Il y a ainsi une multitude de lobbies qui progressent année après année dans la société civile. Ce sont les mêmes qui nous ont imposé en leur temps le pacs, puis le mariage pour les couples de même sexe, la PMA et l’avortement de plus en plus généralisé. Ces progressistes sont déterminés à dominer intégralement la nature humaine, à s’affranchir de toutes normes morales pour maîtriser la vie et la mort. Pour eux, « rien ne doit pouvoir entraver la marche du progrès ».


VIA | la voie du peuple
est présent sur tout le territoire par des délégations départementales, il a joué un rôle influent dans l’élaboration des récents programmes de campagne (présidentielle et législative) de Reconquête!, le parti de M. Éric Zemmour, dont M. Poisson était l’un des porte-parole de campagne. Depuis toujours le parti créé par Mme Christine Boutin (sous son ancienne appellation PCD), défend la dignité et le respect de la personne humaine.

Euthanasie - Le risque de généralisation est réel

  • CM : Il existe déjà un cadre législatif aujourd’hui permettant la mise en place d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital de la personne est engagé à court terme. Que rajouterait cette loi de supplémentaire ?

JFP – Il est difficile de savoir exactement quelle forme aura cette loi qui sera proposée à l’issue de la convention citoyenne. Ce qui est certain, c’est que la légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté y seront puisque le Comité consultatif national d’éthique a donné un avis positif sur ces deux dispositions accompagnées de « certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ». Mais il faut rappeler que la composition du Comité a été opportunément changée pour contredire l’avis qu’il avait rendu en 2016 et qui excluait, à l’époque, la possibilité d’une légalisation de ces pratiques.

Cette légalisation, si elle est votée, sera d’abord restrictive, elle justifiera l’euthanasie ou le suicide assisté dans des cas exceptionnels, y compris lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Dans ce domaine, nous avons l’expérience d’une autre loi d’abord restrictive qui avait été mise en place afin d’éviter des situations dramatiques : la loi sur l’avortement de 1975. Pourtant, aujourd’hui, 220.000 avortements sont pratiqués chaque année. 

 Sans compter ceux qui s’affranchissent directement de la loi: de fait, en France, le nombre d’euthanasies clandestines est déjà élevé (au moins 1.000 par an). 

Mais en Belgique où l’euthanasie a été légalisée sous certaines conditions – 2.699 euthanasies déclarées en 2021 -, le nombre d’euthanasies clandestines est encore plus élevé (trois fois plus nombreux qu’en France) comme le rappelle la Société Française d’Accompagnement des Soins Palliatifs. C’est pourtant le modèle qu’appelle à suivre l’ADMD en la personne de Line Renaud, dont nous avons parlé précédemment.

Nos législateurs et nos lobbyistes commencent donc à rassurer tout le monde avec une loi restrictive. 

Les Français ne doivent pas se laisser duper par un argumentaire fallacieux qui consistera, in fine, à liquider l’aspect sacré de la personne humaine sur l’autel de l’idéologie, voire comme on le devine à demi-mot à travers le discours de certains commentateurs, sur l’autel de l’efficacité économique. En effet, certains peuvent penser que l’euthanasie est la solution à nos problèmes de vieillissement de la population et de financement des retraites. Nous sommes là pour leur rappeler que la vie humaine dépasse de très loin ces considérations budgétaires, et qu’il existe d’autres solutions non létales et plus humaines.

Euthanasie - S'opposer à la culture de mort

  • CM : Quel modèle de société peut-on opposer à ce projet mortifère ?

JFP : Par opposition à la culture de mort, nous souhaitons promouvoir la culture et le développement des soins palliatifs qui ne sont pas assez développés en France malgré des opérations de communication des précédents gouvernements. Aujourd’hui, 26 départements français ne disposent pas d’un service de soins palliatifs, et 63% des Français s’estiment mal informés sur ces services selon un sondage IPSOS de 2019. C’est un domaine dans lequel nous avons pris parti très tôt. J’ai notamment écrit un livre en 2015 pour défendre cette culture (Personne ne doit mourir seul : sens et valeur des soins palliatifs, aux Éditions Universitaires). Une réédition de cet ouvrage est d’ailleurs en cours actuellement, car le fond de mes propos n’a rien perdu de son acuité.

Ensuite, nous souhaitons promouvoir la création et le développement des liens sociaux qui sont un palliatif naturel et qui ont été rudement mis à mal par notre société individualiste.
Dans ce cadre, la famille doit être remise à l’honneur et doit être aidée financièrement lorsqu’elle peut prendre en charge les aînés à domicile.
Enfin, il est nécessaire de mettre en place une formation d’aidants adaptés aux situations où la maladie impose aux patients une lente dégradation physique ou neurologique (maladie de Charcot, sclérose en plaques, Parkinson, Alzheimer, séquelles d’AVC, les cancers…).

Ces aidants doivent pouvoir accompagner les personnes physiquement et psychologiquement au lieu de les placer devant le choix tragique du dépérissement solitaire ou de l’euthanasie.

Euthanasie - Un nouvel ordre social dangereux pour la personne humaine et pour la famille

  • CM : Finalement quel est l’enjeu de cette « consultation » ?

 

JFP – L’enjeu est civilisationnel : VIA s’inscrit dans un cadre plus général de lutte contre le progressisme qui tente depuis plusieurs décennies de substituer aux lois naturelles de notre civilisation, un nouvel ordre social dangereux pour la personne humaine et pour la famille, cellule de base de notre société. Nous continuerons à défendre coûte que coûte la dignité de la personne humaine de sa conception à sa mort naturelle.