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mardi 15 octobre 2024

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Articles Saint Tomas d'Aquin

Saint Tomas d’Aquin

Prière à la gloire de Dieu - Saint Thomas d’Aquin (1225-1274

Accordez-moi, Dieu miséricordieux, de désirer avec ardeur ce que Vous approuvez, de le rechercher avec prudence, de le reconnaître en vérité, de l’accomplir en perfection, à la louange et à la gloire de Votre nom. Mettez de l’ordre dans ma vie, ô mon Dieu, et ce que Vous voulez que je fasse donnez-moi de le connaître, accordez-moi de l’accomplir comme il faut et comme il est utile à mon âme. Donnez-moi, Seigneur mon Dieu, de ne pas m’égarer au milieu de la prospérité et de l’adversité ; ne laissez pas l’adversité me déprimer, ni la prospérité m’exalter. Que rien ne me réjouisse ou ne m’attriste hormis ce qui mène à Vous ou me détourne de Vous. Que je ne désire plaire ou ne craigne de déplaire à personne, si ce n’est à Vous.

Les seize conseils de Saint Thomas pour acquérir le trésor de la science

Les anciens catalogues ne parlent pas de cette lettre de saint Thomas. Mais une cinquantaine d’années après la mort de saint Thomas, le bienheureux Venturin de Bergame les mentionne dans une lettre au frère Eginolf de Ehenheim, sous le titre : « Exhortations de saint Thomas d’Aquin aux jeunes gens de bonne volonté concernant l’étude ». L’authenticité de cette lettre est donc très vraisemblable, d’autant qu’elle est très belle et tout à fait digne de saint Thomas. Nous en donnons une traduction avec de brefs commentaires, à l’intention de ceux qui veulent étudier dans l’esprit de saint Thomas d’Aquin. On trouve le texte latin dans les Opuscula Theologica, vol. 1, Turin/Rome, éd. Marietti, 1975, p. 451. Tu m’as demandé, Jean, frère très cher dans le Christ, comment tu dois étudier pour acquérir le trésor de la science. Voici, à cet égard, le conseil que je te donne [1]. 1 — Entre dans la mer par les petits ruisseaux, non d’un trait : car c’est par le plus facile qu’il convient d’arriver au plus difficile [2]. Ne cherchez point tout d’abord à résoudre les grandes difficultés, mais avancez-vous, degré par degré, dans la connaissance de la vérité. L’intelligence que vous commencerez à acquérir des questions plus simples vous facilitera peu à peu la pleine compréhension des problèmes les plus difficiles. Fidèle à ce principe, saint Thomas d’Aquin voulut écrire une Somme théologique à l’usage des débutants, évitant les questions inutiles et suivant l’ordre requis par le sujet traité (voir le prologue de la Somme). La lecture et l’étude de la Somme théologique est très formatrice pour l’esprit : à chaque instant, saint Thomas rattache les questions traitées aux premiers principes [3]. 2 — Je veux que tu sois lent à parler, lent à te rendre là où l’on parle [4]. Ne vous hâtez pas de dire à autrui vos pensées ; ne cherchez pas à faire parade de ce que vous avez pu apprendre. Parlez peu ; ne répondez jamais avec précipitation. En toute occasion, prenez le temps nécessaire pour former votre jugement. Soyez des derniers à élever la voix. Fuyez les conversations inutiles, où la perte la plus ordinaire est celle du temps et de l’esprit de dévotion. Là encore saint Thomas d’Aquin fut le premier à donner l’exemple : il fut très taciturne pendant sa vie d’étudiant, ce qui lui valut de la part des autres étudiants le surnom de « grand bœuf muet de Sicile ». Mais leur professeur, saint Albert le Grand, ayant reconnu le talent de saint Thomas, dit à ces étudiants : « Sachez qu’un jour les mugissements de ce bœuf s’entendront par toute la terre. » 3 — Garde la pureté de conscience. 4 — Ne cesse pas de te livrer à la prière. 5 — Fréquente avec amour la cellule, si tu veux être introduit dans le cellier à vin [5]. Conservez avec soin en toute chose la pureté de conscience ; ne faites jamais rien qui puisse la ternir, ou seulement vous rendre moins agréable aux yeux de Dieu. Dieu, en effet, se révèle aux humbles. Et il éclaire par les dons du Saint-Esprit (dons de science, de sagesse, d’intelligence) ceux qui gardent leur âme pure et se livrent à la prière. Que votre prière soit continuelle. Aimez à vous cacher pour donner à la lecture ou à la méditation tout le temps que vous emploieriez à vous entretenir avec les créatures. Vous ne serez admis dans le secret de l’Époux, que si vous savez converser avec lui cœur à cœur dans le secret de votre âme. Les Anciens désignaient ainsi les quatre échelons de « l’échelle du Paradis » : Lecture, méditation, prière, contemplation. Prenons les moyens (silence, solitude) de nous livrer assiduement aux trois premiers échelons, et Dieu nous introduira dans la contemplation. 6 — Montre-toi aimable envers tous. 7 — Ne sois pas trop familier avec personne, car l’excès de familiarité engendre le mépris et fournit l’occasion de s’arracher à l’étude [6]. Que la solitude, cependant, ne vous rende jamais difficile ou fâcheux. Soyez en paix avec tous, avec Dieu, avec vous-même, avec le prochain. Cette paix facilite l’étude. Montrez-vous toujours doux et affable envers tous, sans vous familiariser avec personne. La familiarité, en effet, est ordinairement suivie du mépris, et elle distrait forcément de l’application à l’étude. Les « amitiés particulières », en occupant votre cœur, vous feront perdre beaucoup de temps, sans parler des inconvénients pour votre vie spirituelle. 8 — Ne t’inquiète pas des actions d’autrui. 9 — Ne te mêle pas de paroles ou des actes des séculiers. 10 — Fuis par dessus tout les démarches inutiles [7]. Laissez à chacun le soin de ce qui le regarde. Ne vous inquiétez pas de ce qui se fait ou se dit dans le monde. Il vous importe par-dessus tout de fuir les courses et les visites inutiles. Prenez garde au temps perdu à lire les magazines et les journaux, à regarder la télévision, à écouter la radio, à « travailler » avec votre ordinateur, à téléphoner, etc. Faites-vous un emploi du temps pour éviter ces pertes de temps et pour vous discipliner. 11 — Imite la conduite des saints et des gens de bien [8]. Il vous importe surtout d’avoir des Maîtres, dans l’étude comme pour la pratique de la vertu. Si vous ne pouvez avoir un bon professeur qui vous guide dans vos études, lisez de bons auteurs, en premier lieu saint Thomas d’Aquin. En vous proposant comme modèle la vie et les actions des saints, efforcez-vous de marcher sur leurs traces, autant du moins que la grâce de Dieu vous le permettra, et humiliez-vous, si vous ne pouvez atteindre à leur perfection. 12 — Ne regarde pas à celui qui parle, mais tout ce que tu entends de bon, confie-le à ta mémoire [9]. Gravez pour toujours dans votre mémoire tout ce que vous pouvez entendre de bon, quel que soit d’ailleurs celui qui vous l’apprenne. Travaillez chaque jour à enrichir votre esprit de toutes les connaissances qui peuvent servir à la pratique des vertus. La vérité est « catholique », c’est-à-dire universelle : tout ce qui est vrai et bon est à nous, c’est là le sain œcuménisme. 13 — Ce que tu lis et entends, fais en sorte de le comprendre. 14 — Assure-toi de tes doutes. 15 — Et fais effort pour ranger tout ce que tu pourras dans le trésor de l’esprit, comme on remplit un vase [10]. Voici trois bons conseils pour bien exercer votre mémoire : Ne vous contentez pas de concevoir superficiellement ce que vous lisez ou ce que vous entendez, mais tâchez d’en pénétrer et d’en approfondir tout le sens. Ne laissez jamais votre esprit dans le doute sur des choses que vous pourriez savoir avec certitude. Sachez poser des questions. Enfin, il importe de ranger dans votre esprit avec soin ce que vous apprenez, et pour cela d’éviter la précipitation et la confusion dans vos études. Chi va piano, va sano. « Tête bien faite vaut mieux que tête bien pleine. » 16 — Ne cherche pas ce qui te dépasse [11]. Dieu n’élève pas tous ceux qui étudient au même degré d’intelligence. Contentez-vous des talents qu’il vous donne. Ne cherchez pas à pénétrer ce qui sera toujours au-dessus de vous. Suivant cette marche, tu porteras et produiras, tout le temps de ta vie, des feuilles et des fruits utiles dans la vigne du Seigneur des Armées. Si tu t’attaches à ces conseils, tu pourras atteindre ce que tu désires [12]. Si vous suivez exactement ces conseils, n’en doutez pas, vous arriverez un jour selon vos désirs à la possession de la sagesse. Et vous pourrez à votre tour en faire profiter les autres. « Quam sine fictione didicisti, sine invidia communico (Je communique, sans la garder par jalousie, cette sagesse que j’ai apprise dans la droiture de mon cœur) » (Sg 7, 13 ; appliqué par la liturgie à saint Thomas d’Aquin).

"Le bien surnaturel d'un seul est supérieur à la somme des biens naturels de tous" (st Thomas d'Aquin)

A méditer : « Le bien surnaturel d’un seul est supérieur à la somme des biens naturels de tous » (St Thomas d’Aquin)

Les cinq preuves de l'existence de Dieu - par Saint Thomas d'Aquin

Les quinquae viae (les 5 voies) sont des voies pour accéder à l’existence de Dieu par la raison. Elles sont développées par Saint Thomas d’Aquin dans la Somme théologique, Ière partie, question 2, article 3 : « Dieu existe-t-il ? » La méthode pour remonter à Dieu par la raison se résume à trois points : par mode de causalité (il est la cause de ce monde), par mode de négation, c’est-à-dire en niant en lui ce qui est limite en nous (par exemple : Dieu n’est pas matériel, mortel, localisé etc.), et par mode d’éminence, en affirmant qu’il existe en lui éminemment ce qui est qualitatif en nous (par exemple : Dieu est amour, intelligence, puissance.) Saint Thomas n’avait aucunement pour but de prouver l’existence de Dieu ; en effet, s’adressant à des étudiants en théologie (c’est-à-dire des frères prêcheurs, des prêtres, etc…), il n’y avait aucune intention de leur prouver l’existence de Dieu, car elle était évidente. L’intention de Saint Thomas était plutôt de montrer que l’on pouvait accéder à Dieu avec la raison naturelle en partant de ce que l’on constate du monde. C’est pourquoi ce ne sont pas des preuves, mais des voies. Les trois premières voies sont de la même nature, elles évoquent une régression infinie et désignent Dieu pour y mettre fin. Elles ne sont que des manières différentes de dire la même chose. La quatrième est un argument de degré ou le sommet de la perfection ne peut être que Dieu. La dernière voie et un argument du dessein qui nécessite un ordonateur qui ne peut être que Dieu. La voie par le mouvement « Il est évident, nos sens nous l’attestent, que dans ce monde certaines choses se meuvent. Or, tout ce qui se meut est mû par un autre. En effet, rien ne se meut qu’autant qu’il est en puissance par rapport au terme de son mouvement, tandis qu’au contraire, ce qui meut le fait pour autant qu’il est en acte; car mouvoir, c’est faire passer de la puissance à l’acte, et rien ne peut être amené à l’acte autrement que par un être en acte, comme un corps chaud en acte, tel le feu, rend chaud en acte le bois qui était auparavant chaud en puissance, et par là il le meut et l’altère. Or il n’est pas possible que le même être, envisagé sous le même rapport, soit à la fois en acte et en puissance; il ne le peut que sous des rapports divers; par exemple, ce qui est chaud en acte ne peut pas être en même temps chaud en puissance; mais il est, en même temps, froid en puissance. Il est donc impossible que sous le même rapport et de la même manière quelque chose soit à la fois mouvant et mû, c’est-à-dire qu’il se meuve lui-même. Il faut donc que tout ce qui se meut soit mû par un autre. Donc, si la chose qui meut est mue elle-même, il faut qu’elle aussi soit mue par une autre, et celle-ci par une autre encore. Or, on ne peut ainsi continuer à l’infini, car dans ce cas il n’y aurait pas de moteur premier, et il s’ensuivrait qu’il n’y aurait pas non plus d’autres moteurs, car les moteurs seconds ne meuvent que selon qu’ils sont mûs par le moteur premier, comme le bâton ne meut que s’il est mû par la main. Donc il est nécessaire de parvenir à un moteur premier qui ne soit lui-même mû par aucun autre, et un tel être, tout le monde comprend que c’est Dieu. » L’origine de cette preuve remonte à Aristote. Les choses sont constamment en mouvement, or il est nécessaire qu’il y ait une cause motrice à tout mouvement. Afin de ne pas remonter d’une cause motrice à une autre, il faut reconnaître l’existence d’un Premier moteur non mû : c’est Dieu. La voie par la causalité efficiente « Nous constatons, à observer les choses sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes; mais ce qui ne se trouve pas et qui n’est pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait antérieure à elle-même, chose impossible. Or, il n’est pas possible non plus qu’on remonte à l’infini dans les causes efficientes; car, parmi toutes les causes efficientes ordonnées entre elles, la première est cause des intermédiaires et les intermédiaires sont causes du dernier terme, que ces intermédiaires soient nombreux ou qu’il n’y en ait qu’un seul. D’autre part, supprimez la cause, vous supprimez aussi l’effet. Donc, s’il n’y a pas de premier, dans l’ordre des causes efficientes, il n’y aura ni dernier ni intermédiaire. Mais si l’on devait monter à l’infini dans la série des causes efficientes, il n’y aurait pas de cause première; en conséquence, il n’y aurait ni effet dernier, ni cause efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment faux. Il faut donc nécessairement affirmer qu’il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu. » (ex ratione causae efficientis) Nous observons un enchaînement de causes à effet dans la nature, or il est impossible de remonter de causes à causes à l’infini ; il faut nécessairement une Cause Première : c’est Dieu. La voie par la contingence « La troisième voie se prend du possible et du nécessaire, et la voici. Parmi les choses, nous en trouvons qui peuvent être et ne pas être ; la preuve, c’est que certaines choses naissent et disparaissent, et par conséquent, ont la possibilité d’exister et de ne pas exister. Mais il est impossible que tout ce qui est de telle nature existe toujours; car ce qui peut ne pas exister n’existe pas à un certain moment. Si donc tout peut ne pas exister, à un moment donné, rien n’a existé. Or, si c’était vrai, maintenant encore rien n’existerait; car ce qui n’existe pas ne commence à exister que par quelque chose qui existe. Donc, s’il n’y a eu aucun être, il a été impossible que rien commençât d’exister, et ainsi, aujourd’hui, il n’y aurait rien, ce qu’on voit être faux. Donc, tous les êtres ne sont pas seulement possibles, et il y a du nécessaire dans les choses. Or, tout ce qui est nécessaire, ou bien tire sa nécessité d’ailleurs, ou bien non. Et il n’est pas possible d’aller à l’infini dans la série des nécessaires ayant une cause de leur nécessité, pas plus que pour les causes efficientes, comme on vient de le prouver. On est donc contraint d’affirmer l’existence d’un Être nécessaire par lui-même, qui ne tire pas d’ailleurs sa nécessité, mais qui est cause de la nécessité que l’on trouve hors de lui, et que tous appellent Dieu. » Il y a dans l’univers des choses nécessaires qui n’ont pas en elles-mêmes le fondement de leur nécessité. Il faut donc un Être par Lui-même nécessaire qui est Dieu. La voie par les degrés des êtres « La quatrième voie procède des degrés que l’on trouve dans les choses. On voit en effet dans les choses du plus ou moins bon, du plus ou moins vrai, du plus ou moins noble, etc. Or, une qualité est attribuée en plus ou en moins à des choses diverses selon leur proximité différente à l’égard de la chose en laquelle cette qualité est réalisée au suprême degré; par exemple, on dira plus chaud ce qui se rapproche davantage de ce qui est superlativement chaud. Il y a donc quelque chose qui est souverainement vrai, souverainement bon, souverainement noble, et par conséquent aussi souverainement être, car, comme le fait voir Aristote dans la Métaphysique, le plus haut degré du vrai coïncide avec le plus haut degré de l’être. D’autre part, ce qui est au sommet de la perfection dans un genre donné, est cause de cette même perfection en tous ceux qui appartiennent à ce genre: ainsi le feu, qui est superlativement chaud, est cause de la chaleur de tout ce qui est chaud, comme il est dit au même livre. Il y a donc un être qui est, pour tous les êtres, cause d’être, de bonté et de toute perfection. C’est lui que nous appelons Dieu. » C’est une preuve reprise de Platon, qui a remarqué qu’il y a des perfections dans les choses (bien, beau, amour, etc.) mais à des degrés différents. Or il faut nécessairement qu’il y ait un Être qui possède ces perfection à un degré maximum, puisque dans la nature toutes les perfections sont limités. La voie par l’ordre du monde « La cinquième voie est tirée du gouvernement des choses. Nous voyons que des êtres privés de connaissance, comme les corps naturels, agissent en vue d’une fin, ce qui nous est manifesté par le fait que, toujours ou le plus souvent, ils agissent de la même manière, de façon à réaliser le meilleur; il est donc clair que ce n’est pas par hasard, mais en vertu d’une intention qu’ils parviennent à leur fin. Or, ce qui est privé de connaissance ne peut tendre à une fin que dirigé par un être connaissant et intelligent, comme la flèche par l’archer. Il y a donc un être intelligent par lequel toutes choses naturelles sont ordonnées à leur fin, et cet être, c’est lui que nous appelons Dieu. » On observe un ordre dans la nature : l’œil est ordonné à la vue, le poumon à la respiration, etc. Or à tout ordre il faut une intelligence qui le commande. Cette Intelligence ordinatrice est celle de Dieu.