Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je vous enseignerai des remèdes contre quelques tentations spirituelles, très communes en ce temps-ci, lesquelles Dieu permet pour purifier et pour éprouver ses élus. Et quoiqu’il semble qu’elles n’attaquent pas directement la Foi, ceux toutefois qui les examineront avec soin, reconnaîtront qu’elles vont à détruire les principaux dogmes de la Religion, et qu’elles préparent le trône de l’Antéchrist.
Je n’expliquerai point quelles sont ces tentations, pour n’être à personne une occasion de chute et de scandale ; mais je vous ferai voir avec quelle prudence vous devez vous conduire, si vous voulez n’en être pas vaincu. Et parce que ces tentations sont de deux sortes, dont la première est la suggestion du démon, qui fait que l’homme se trompe et s’égare dans la conduite qu’il doit tenir à l’égard de Dieu et dans les choses qui ont rapport à lui ; la seconde est la doctrine corrompue de quelques personnes et la manière de vie de celles qui ont déjà succombé a de telles tentations : je vous enseignerai de quelle sorte vous devez vous conduire à l’égard de Dieu, et de tout ce qui a rapport à lui, si vous voulez être en sûreté contre ces tentations. Ensuite je vous ferai voir quel doit être votre conduite à l’égard des hommes, touchant leur doctrine et leur manière de vivre.
Le premier remède contre les tentations spirituelles que le démon sème dans le cœur de plusieurs personnes en ce malheureux temps, est que ceux qui veulent vivre dans la soumission que l’on doit à Dieu, n’aient aucun désir de se procurer par leurs prières, leurs méditations, ou par d’autres bonnes œuvres, ce qui s’appelle révélations, ou sentiments surnaturels, et au-dessus de ce qui arrive selon le cours ordinaire des choses, à ceux qui craignent Dieu, et qui l’aiment véritablement ; parce qu’un tel désir ne saurait avoir d’autre racine ni d’autre fondement, que l’orgueil, la présomption, une vaine curiosité en ce qui regarde les choses de Dieu, et enfin une foi très-faible. C’est pour punir ce malheureux désir, et par un effet de la justice de Dieu, qu’il abandonne une âme, et qu’il permet qu’elle tombe dans les illusions et dans les tentations du démon, qui la séduit, et lui donne de fausses visions et des révélations trompeuses. Et voilà la source de la plupart des tentations spirituelles qui règnent en ce temps : tentations que ce malin esprit enracine dans l’âme de ceux qu’on peut appeler les précurseurs de l’Antéchrist, comme vous allez le voir par ce que je vais dire.
Vous devez être persuadé que les véritables révélations et les sentiments extraordinaires par lesquels on connaît les secrets de Dieu, ne sont point l’effet de ce désir dont nous avons parlé, ni d’aucun soin ni effort que l’âme puisse faire d’elle-même ; mais seulement de la pure bonté de Dieu, qui se communique à une âme remplie d’humilité, qui le cherche et le désire de toutes ses forces, et qui a pour lui un extrême respect.
Il ne faut pas même s’exercer dans l’humilité et dans la crainte de Dieu, afin d’avoir des visions, des révélations, et des sentiments extraordinaires ; car ce serait tomber dans, le même péché que ce désir fait commettre.
Le second remède est d’éloigner de votre âme, lorsque vous êtes appliqué à la prière, une certaine consolation, quelque petite qu’elle soit, si vous remarquez qu’à son occasion il se forme en votre cœur quelque sentiment de présomption et d’estime de vous-même ; ce qui vous conduirait insensiblement à abuser de ce qu’on appelle honneur et réputation , et vous ferait croire que vous méritez d’être honoré et loué en ce monde, et d’avoir part à la gloire du Ciel. L’âme qui s’attache à ces fausses consolations, tombe dans des erreurs très-dangereuses ; car le Seigneur permet, par un juste jugement, que le démon ait la puissance d’augmenter en elle ces sortes de goûts spirituels, de les rendre fréquents, et de lui donner des sentiments très-faux , très-dangereux et pleins d’illusion, que cette âme abusée prend pour véritables. Hélas! Combien de personnes ont été séduites par ces fausses consolations!
Je sais que la plus grande partie des ravissements, des extases, ou, pour mieux dire, des fureurs de ces précurseurs de l’Antéchrist, ne viennent que de là. C’est pourquoi, n’admettez dans votre âme, lorsque vous vous appliquerez à la prière, que la seule consolation qui peut venir de la parfaite connaissance que vous aurez de votre néant et de votre misère ; connaissance qui vous fera persévérer dans l’humilité, et qui vous inspirera un profond respect pour la grandeur et la Majesté de Dieu, avec un grand désir qu’il soit honoré et glorifié. Ce sont là les consolations qui ne peuvent séduire.
Le troisième remède est d’avoir en horreur tout sentiment, quelque élevé qu’il soit, toute vision, qui vous ferait croire que vous pénétrez dans les secrets de Dieu : lorsque vous verrez que ces sentiments peuvent blesser quelque article de la Foi, ou les bonnes mœurs ; particulièrement s’ils étaient contraires à l’humilité, ou à la pureté : car sans doute cela ne peut venir que du démon. Et si vous aviez une vision, qui né fût point accompagnée d’une lumière et d’un sentiment qui vous rendît certain dans votre cœur qu’elle vient de Dieu et qu’elle ne vous porte qu’à ce qui est agréable à Dieu, ne vous appuyez point sur elle.
Le quatrième remède est de ne vous attacher à personne, quelque sainteté de vie que vous puissiez remarquer en elle, quelque dévotion, étendue d’esprit et capacité qu’elle ait , et que vous ne suiviez point ses conseils et sa manière de vivre, lorsque vous connaîtrez, à n’en pouvoir douter, que ses avis ne sont point selon Dieu, qu’ils n’ont point pour règle une véritable prudence, qu’ils ne sont point appuyés sur ce que nous prescrit la Loi de Dieu, et sur ce qui nous a été donné pour modèle dans la Vie de Jésus-Christ et des Saints ; sur ce que les saintes Écritures et les Pères de l’Église nous ont enseigné et prêché. Ne craignez point de pécher par orgueil et par présomption, lorsque vous mépriserez de tels conseils, puisque vous devrez cela au zèle et à l’amour de la vérité.
Le cinquième remède est d’éviter toute société et familiarité avec ceux qui répandent et qui sèment, pour ainsi dire, les tentations dont je parle, ceux qui les défendent ou qui les louent. N’écoutez ni leurs paroles, ni leurs exhortations ; ne désirez point de voir ce qu’ils savent faire, parce que le démon se servirait de cette curiosité pour vous faire remarquer dans ces personnes tant de paroles sublimes et tant de signes extérieurs d’une grande perfection, que vous vous engageriez malheureusement dans le précipice de leurs erreurs.
Merci à Michel.