Rene Chiche - Chrétiens Magazine

Interview de M. René Chiche, professeur agrégé en Philosophie, Membre du Conseil Supérieur de l’Éducation et vice-président et porte-parole du syndicat Action & Démocratie CFE/CGE

Pap Ndiaye dicterait-il sa pensée unique aux fonctionnaires ?

Le 11 avril 2023, un professeur agrégé de philosophie, exerçant au lycée Louis Lumière de La Ciotat depuis 20ans, a été suspendu pendant trois mois, recevait une lettre de suspension du ministère de l’Éducation Nationale à quelques semaines des épreuves du bac de ses élèves…

L’objectif ? sanctionner la très large audience de ses prises de paroles publiques sur les réseaux sociaux, à commencé par le « Pass Vaccinal », sujet alors en plein débat dans la société française. Le pass fût voté sept mois plus tard (25 juillet 2021) par les députés.

Une audience outrageuse pour Pap Ndiaye

L’objet du « délit » concerne l’audience des posts du professeur, notamment sur twitter. Pour le ministre de l’éducation nationale « le droit d’expression est évidemment garanti » a-t-il déclaré sur France 3, le 10 mai 2023. A condition, visiblement, d’être dans la ligne de pensée du ministre Pap Ndiaye, autrement vous serez calomnié, rejeté, menacé et exclu. C’est ce qui est arrivé à M. René Chiche un homme passionné par son métier et les richesses qu’il contient.

En plein débats publiques sur la gestion gouvernementale et politique du Covid-19, le professeur s’est exprimé comme tout un chacun dans cette période de doute généralisé qui s’était installé dans l’opinion. Les lanceurs d’alerte prévenaient de possibles risques (avérés depuis), les politiques assénaient leurs vérités, le débat faisait rage dans les médias et les réseaux sociaux. On ne savait pas alors que certains fonctionnaires y étaient autorisés et d’autres pas au sein de l’Éducation Nationale.

Il faudrait que M. Pap Ndiaye nous dise ce qu’il en est des autres sujets d’actualité, et ceux d’ailleurs qui, ne sont pas d’actualité : Précisément qu’ont droit de dire ou de ne pas dire les fonctionnaires ?

Car finalement si le professeur s’exprime à titre personnel avec des positions différentes de celles des gouvernements Macron sur la crise sanitaire comme sur l’Ukraine, c’est à l’unissons de milliers de personnes. Est-ce que M. Pap Ndiaye va étudier les dix millions de comptes twitter en France pour recenser le nombre de fonctionnaires et décider qui aura le droit ou pas de s’exprimer selon leur opinion personnelle ?

Le Professeur a répondu à Chrétiens Magazine « Ce que je tiens à dire c’est que la loi qui a instauré le Pass Vaccinale est une discrimination : j ‘assume complètement de dire qu’à ma connaissance aucune loi n’a instauré une discrimination au sein de la population depuis le statut des juifs en 1940. »

« Je ne mets pas en avant ma qualité de professeur, et je ne cherche pas du tout à entacher la réputation du service publique de l’Éducation Nationale. Seulement, personne n’était informé dans mon établissement, a commencé par ma chef d’établissement qui n’était pas au courant officiellement. Si je n’avais pas fait l’annonce de cette sanction le 30 avril 2023, Et si je n’avais pas médiatisé cette sanction, je n’aurais pas été remplacé. » A quelques jours du bac c’est étrange comme timing…

C’est faux et archi faux de prétendre que je porte atteinte à l’Éducation Nationale ou que je nuis au service. Rien ne m’est reproché dans l’exercice de mes fonctions. Mes états de services sont pardon de le dire excellents, et même élogieux.

Lorsque je mentionne ma profession de professeur de philosophie, je le fais comme le fait Raphaël Enthoven, c’est mon identité personnelle d’être professeur de philo, ça s’arrête là, je n’utilise pas ce mot a tort et à travers. »

Le professeur Chiche précise à Chrétien Magazine : Avec le pass obligatoire on a discriminé la population pour des motifs injustifiables. Aucune loi n’a rendu obligatoire la vaccination. Par la suite on prend des dispositions pour les contraindre. En tant que professeur de philosophie, j’enseigne les fondements de l’état de droit. Je ne peux pas devant une telle perversion morale, intellectuelle­, rester silencieux »

Un syndicat en plein essor

Engagé pour défendre une école qu’il juge à la dérive, le professeur est également vice-président d’Action et Démocratie CFE-CGC, un syndicat politiquement neutre faisant « le pari de l’intelligence » pour le bien de l’école, de la profession comme de ses membres, la volonté du ministre ne serait-elle pas de vouloir taire un syndicat en plein essor ?

« On se sert de ma qualité de prof de philo pour empêcher mon expression publique, alors qu’elle est effectivement faite aussi en tant que responsable syndical. L’Éducation Nationale nie ma qualité de syndicaliste.

Mon syndicat a pris ses responsabilités et a contesté au Conseil d’état les dispositions insensées prises au nom de la santé publique : port du masque, la circulaire du ministre de l’Éducation Nationale qui faisait du port du masque une obligation pro, la contre indiction médicale, les personnes étaient priées de ne pas venir travailler. Nous avons également contesté en tant que syndicat, l’obligation vaccinale au personnel de l’Éducation Nationale.

Action et Démocratie CFE-CGC dévoile une conduite de l’Éducation Nationale qui est anormale vis à vis d’un état de droit. Nous sommes les seuls à avoir poursuivit un ministre de la République.

Je vais contester la sanction au tribunal administratif et en demander réparation. Et je vais aller plus loin car j’estime avoir été calomnié par le ministre Pap N’dyia. Et je veux que toute la lumière soit faite. La justice pénale dira les conditions dans laquelle cette affaire a été engagée.

Déclaration préalable de M. René Chiche devant la commission administrative paritaire des professeurs agrégés réunie en formation disciplinaire le 12 décembre 2022 à la demande du recteur de l’académie d’Aix-Marseille

« En vérité, il s’en faut de beaucoup que vous me fassiez oublier qui je suis, surtout en usant de procédés aussi grossiers que ceux qui consistent à prélever de façon arbitraire une vingtaine de propos que j’aurais tenus sur Twitter parmi les quelques 18 000 que j’y ai publiés depuis que j’y suis inscrit, à les citer sans ordre et parfois sans vraisemblance, en faisant abstraction du contexte, de ce qui suit comme de ce qui précède ainsi que de la personnalité et du style de leur auteur, toutes choses entre autres que l’on apprend précisément à ne pas faire à nos élèves quand on cherche à les instruire un tant soit peu et à leur inculquer les bases de la pensée rigoureuse et de l’honnêteté intellectuelle !

Par un tel procédé, on pourrait faire passer n’importe quel chef d’œuvre de la littérature pour le journal d’un aliéné. Par un tel procédé, on pourrait faire passer un homme de science ou un président de la République pour un idiot ou une crapule. « Je traverse la rue et je vous en trouve, un emploi! »; « on met un pognon de dingues dans les minima sociaux et les gens restent pauvre ! » ; « certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas »; « une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien » : « le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien » ;
« les non-vaccinés, j’ai bien envie de les emmerder »; « on les aura ces connards » : ce sont là des propos tenus par l’actuel président de la République et dont il serait particulièrement malhonnête d’en déduire quoi que ce soit sur leur auteur ni de prétendre que celui-ci porte atteinte à la fonction tant l’usage d’un tel verbatim à cette fin serait contraire aux exigences les plus élémentaires de la critique aussi bien qu’à l’éthique de la discussion. 

J’ajoute qu’user d’un tel procédé lorsqu’on fait partie de l’éducation nationale, et ce quels que soient le rang et la fonction qu’on y occupe, est particulièrement inconvenant, tout comme n’est pas digne et n’est pas non plus très sérieux le fait de s’en servir contre un professeur dont le métier consiste précisément à former le jugement et l’esprit critique des élèves qu’on lui confie afin qu’ils ne se laissent pas influencer par les premiers charlatans venus. »


René Chiche, professeur.